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Les Bouddhistes croient-ils en la réincarnation?
LES BOUDDHISTES CROIENT-ILS EN LA RĂINCARNATION ?
Enseignement donné par le Vénérable Maßtre Thich Nhat Hanh au Village des Pruniers
Dans le bouddhisme nous pouvons transcender la notion de naissance et de mort et nous utilisons le mot de remanifestation.
Je voudrais savoir combien parmi vous ont vu le film intitulĂ© " Little Buddha " ? Une enquĂȘte a permis dâĂ©tablir en 1983 que 25 pour cent des EuropĂ©ens croient en la rĂ©incarnation. Huit ans plus tard, aux Etats-Unis, on a dĂ©couvert que 23 pour cent des AmĂ©ricains croient Ă une certaine forme de rĂ©incarnation. Il y a donc beaucoup de gens qui sont prĂȘts Ă croire ou qui sont favorables Ă lâidĂ©e de rĂ©incarnation. Parmi ces gens il y a des catholiques, des protestants, etc. Des dirigeants chrĂ©tiens disent que les enseignements de la rĂ©incarnation ne correspondent pas Ă ceux du christianisme. Mais comme tant de personnes y croient, ils pensent quâil est impossible de refuser cette notion.
La notion de rĂ©incarnation est populaire pour plusieurs raisons : dâabord il semble que certains individus qui nuisent aux autres par leur comportement ne souffrent pas du tout ; câest une forme dâinjustice, il faudrait donc quâil y ait une vie future pour que ces gens puissent en quelque sorte payer en Ă©change du mal quâils ont commis.
Lâautre raison câest que la durĂ©e de la vie terrestre est trop courte pour Ă elle seule dĂ©cider de lâĂ©ternitĂ©. Nous vivons 50, 60 , 70 ans seulement et nous voudrions avoir dâautres possibilitĂ©s pour rĂ©ussir Ă ĂȘtre en harmonie avec Dieu, pour prouver que nous sommes capables de vivre mieux.
Une autre raison câest la peur du nĂ©ant. Si ce corps disparaissait, recommencer dans un autre corps plus sain, ce serait comme de changer de vĂȘtement. Il faut donc quâil y ait dâautres vies pour continuer et ainsi la notion de rĂ©incarnation est trĂšs rĂ©confortante et elle prend racine en Occident.
A cause du film de Bertolucci les gens pensent de plus en plus Ă la rĂ©incarnation. Une chose amusante est quâen Asie on nâaime pas tellement lâidĂ©e de rĂ©incarnation parce quâon voudrait plutĂŽt que la roue de lâexistence cesse et avec elle le cycle des souffrances. Mais en Occident, il semble que lâon aime cette idĂ©e. Il y a donc une diffĂ©rence de mentalitĂ© entre lâOccident et lâOrient. Câest un fait que lâidĂ©e de rĂ©incarnation avec la notion de continuation quâelle implique est actuellement trĂšs populaire.
Au cours du troisiĂšme siĂšcle aprĂšs J.C. un thĂ©ologien catholique du nom de Origen a enseignĂ© la prĂ©existence de lâĂąme avant son entrĂ©e dans le corps. Il sâagit donc dâincarnation et non de rĂ©incarnation. Il semble que cette idĂ©e soit trĂšs proche de lâautre parce que si vous ĂȘtes incarnĂ© une fois il est possible que vous le soyez une autre fois. En 540 environ Origen a Ă©tĂ© condamnĂ© par le concile de Constantinople Ă cause de cette idĂ©e.
La notion de rĂ©surrection est proche de celle de rĂ©incarnation. Quâest-ce qui doit ĂȘtre ressuscitĂ© sinon le corps? Donc nous pouvons utiliser la notion de rĂ©incarnation. Lorsque le corps est restaurĂ© lâĂąme entrera Ă nouveau dans le corps. DâaprĂšs les enseignements du Jugement Dernier chacun doit retrouver son corps ressuscitĂ© et câest bien une rĂ©incarnation. Il est difficile de dire quâil nây a pas de rĂ©incarnation dans le christianisme. Certains thĂ©ologiens chrĂ©tiens disent que pour inclure la notion de rĂ©incarnation il faudrait modifier de nombreux enseignements Ă lâintĂ©rieur mĂȘme du christianisme. Nous ne sommes pas sĂ»r de cela parce que les Ă©lĂ©ments de rĂ©incarnation sont vraiment lĂ dans les enseignements du christianisme.
Nous voulons tous savoir ce qui va arriver aprĂšs notre mort et nous nous rĂ©voltons tous contre lâidĂ©e que nous devons mourir. Câest pourquoi lâidĂ©e de rĂ©incarnation est trĂšs importante pour nous. Devons-nous continuer ou pas aprĂšs la mort ? et oĂč et quand ?
Nous savons que les humains ne peuvent pas ĂȘtre heureux sâils ne croient pas en quelque chose. La foi est importante, mais la foi câest quelque chose de vivant, câest comme lâamour, la haine, le dĂ©sespoir, câest une formation mentale. Câest une chose vivante et tout ce qui est vivant change. Votre foi câest quelque chose de vivant qui doit changer au cours du temps, qui doit grandir comme un arbre. La foi qui Ă©tait la vĂŽtre quand vous aviez dix ans nâest plus lĂ . Que vous soyez chrĂ©tien, musulman, marxiste, bouddhiste ; la foi est quelque chose qui doit changer tout le temps : il faut accepter ce fait. Lâavantage de lâĂ©tude et de la pratique du bouddhisme, câest quâon nous rappelle constamment que tout change y compris notre foi, la foi est une chose vivante.
Alors que vous continuez Ă vivre, votre foi grandit. Câest la mĂȘme chose dans toutes les traditions spirituelles et nous ne devons pas craindre lâarrivĂ©e dâun changement dans notre façon de croire. En fait, lorsque les choses arrĂȘtent de se dĂ©velopper, la vie devient impossible. Dâune part, nous savons que sans foi nous ne pouvons pas vivre, nous ne pouvons pas ĂȘtre heureux. Dâautre part, nous savons que la foi est quelque chose qui change. Il y a donc le risque de perdre votre foi et dans ce cas vous devenez une sorte de fantĂŽme affamĂ©.
Câest pourquoi notre attitude vis-Ă -vis de la foi est trĂšs importante. Nous devons prendre soin de notre croyance, de notre foi, dâune façon trĂšs sage, de sorte que notre foi se dĂ©veloppe dans la direction qui nous apportera plus de paix et de joie.
Il y a plusieurs années vous aviez une idée à propos du Bouddha, cette idée était en rapport avec votre foi dans le bouddhisme. Maintenant aprÚs plusieurs années de pratique vos notions à propos du Bouddha ont beaucoup changé et bien sûr votre foi a aussi changé. Donc votre foi dépend de vos notions, de votre perception, de vos études, de votre pratique. Nous devons abandonner nos perceptions, nos notions, de façon à avoir une perception meilleure, une foi meilleure. Nous ne pouvons pas nous associer une seule notion à un objet unique de notre foi.
Dâabord il se peut que nous croyions que la rĂ©incarnation correspond Ă lâidĂ©e que lâĂąme entre dans le corps. Nous pouvons dire que lâĂąme est permanente et le corps impermanent. Lorsque nous nous dĂ©barrassons dâun corps nous pouvons entrer Ă nouveau dans un autre corps. LâimmortalitĂ© de lâĂąme et lâimpermanence du corps, câest peut-ĂȘtre une premiĂšre notion de rĂ©incarnation. Il se peut que nous commencions comme cela et que nous nous appelions bouddhistes, câest acceptĂ© pour un dĂ©butant. Mais si vous continuez Ă ĂȘtre un bouddhiste vous devez pratiquer plus et lâidĂ©e de lâimmortalitĂ© de lâĂąme doit faire place Ă une autre idĂ©e plus proche de la rĂ©alitĂ©.
Si vous Ă©tudiez les soutras, si vous pratiquez lâobservation de votre esprit ; vous verrez quâil nây a rien de permanent dans lâensemble des cinq skandas : le corps, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Tout change constamment. Il nây a pas une seule chose qui reste identique pendant deux moments consĂ©cutifs. Vous voyez que non seulement le corps, mais aussi lâĂąme est impermanente, parce que lâĂąme est faite dâĂ©lĂ©ments tels que les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. En dehors de ces Ă©lĂ©ments il nây a rien que vous puissiez appeler une Ăąme. LâidĂ©e dâimmortalitĂ© de lâĂąme doit ĂȘtre remplacĂ©e et votre comprĂ©hension de la rĂ©incarnation sera plus proche de la rĂ©alitĂ©.
On appelle bouddhisme populaire le bouddhisme des masses. Mais si vous continuez, vous entrez dans un autre bouddhisme : le bouddhisme profond ; et câest un domaine que nous explorons. A cause de cette exploration nous sommes plus proches de la rĂ©alitĂ© de nous-mĂȘme et du Dharma. LâidĂ©e de rĂ©incarnation est encore lĂ mais notre comprĂ©hension est diffĂ©rente.
RĂ©-in-carnation : "carn", câest la chair. LâidĂ©e consiste en ce quâil y ait une Ăąme, un corps et lâĂąme pĂ©nĂštre dans le corps. Dans le bouddhisme on nâutilise pas le mot rĂ©incarnation mais le mot renaissance, parce que la notion de rĂ©incarnation implique lâexistence dâune Ăąme immortelle qui entre et sort du corps et entre Ă nouveau dans un autre corps. Il nâexiste rien de tel que cette Ăąme immortelle qui sort dâun corps pour entrer dans un autre. Lâutilisation du mot renaissance est perçue comme quelque chose dâinadĂ©quat parce que le mot naissance reprĂ©sente quelque chose qui nâexiste pas vraiment si nous sommes capables de toucher la rĂ©alitĂ© de la non-naissance et de la non-mort.
Etre nĂ© veut dire quâĂ partir de rien on devient quelque chose et que de quelque chose on devient rien lorsque lâon meurt. Jâexiste pendant tant dâannĂ©es et tout dâun coup je cesse dâexister. Câest la notion habituelle de mort et de naissance. Observant ce qui nous entoure nous voyons que rien ne fonctionne ainsi.
Il y a une fleur et nous pensions que câest quelque chose qui vient de rien. Mais avant sa naissance la fleur existe sous une autre forme. Dans le bouddhisme nous pouvons transcender la notion de naissance et de mort et nous utilisons le mot de remanifestation. La naissance de la fleur câest un jour de remanifestation. La fleur Ă©tait donc dĂ©jĂ lĂ sous une certaine forme mais nous nâĂ©tions pas capable de la reconnaĂźtre. Vishnapti veut dire se manifester de façon Ă ce que les gens reconnaissent et perçoivent. LâidĂ©e de manifestation implique lâidĂ©e dâune manifestation antĂ©rieure. Cette chose est toujours lĂ . Si les conditions sont suffisantes cette chose peut Ă nouveau se manifester. Et, lorsque nous voyons les choses se manifester, nous disons quâelles sont nĂ©es mais en fait elles ne sont pas nĂ©es, elles se manifestent. Parce quâĂȘtre nĂ© câest Ă partir de rien. Donc il y a eu quelque chose avant quâil y ait manifestation.
Les notions de naissance, dâexistence, de venir, de paraĂźtre sont des notions que nous appliquons Ă une chose aprĂšs quâelle se soit manifestĂ©e. Avant la manifestation de cette fleur nous ne la voyons pas. Nous disons : la fleur nâest pas encore nĂ©e. Lorsquâelle se manifeste nous disons : la fleur est nĂ©e, elle est arrivĂ©e. Etre nĂ©, ĂȘtre arrivĂ©, câest sâĂȘtre manifestĂ© et lorsque la fleur Ă cause dâun manque de conditions nĂ©cessaires arrĂȘte de se manifester nous disons quâelle nâest plus. Donc toutes nos notions comme la naissance, la mort, lâĂȘtre, le non-ĂȘtre , venir, partir, toutes ces notions doivent ĂȘtre transcendĂ©es. La rĂ©alitĂ© est en dehors de ces notions. Lorsque nous Ă©tudions le bouddhisme et pratiquons le regard profond nous nous libĂ©rons de toutes ces idĂ©es. Nous avons toujours une croyance et elle est de plus en plus solide et personne ne peut nous lâenlever, parce que notre croyance nâest pas faite de notions mais de la rĂ©alitĂ©.
Au dĂ©but on peut croire Ă la rĂ©incarnation et grĂące Ă cette croyance vous avez lâimpression dâĂȘtre sur un chemin, mais lorsque vous commencez Ă pratiquer votre idĂ©e sur la rĂ©incarnation change. Au dĂ©but vous avez lâidĂ©e de cette Ăąme immortelle qui entre dans un corps et qui en sort pour entrer dans un autre. Mais, comme vous observez profondĂ©ment Ă lâintĂ©rieur et Ă lâextĂ©rieur vous comprenez que cette notion est un peu naĂŻve. Donc vous transcendez cette notion et ainsi votre foi se dĂ©veloppe. Comme la croissance de votre foi est basĂ©e sur lâobservation vĂ©ritable, vous avez toujours votre croyance et elle continue Ă vous apporter de la joie, vous savez que mĂȘme si votre croyance change demain, vous nâaurez pas peur parce que vous approchez de plus en plus la rĂ©alitĂ©. Il nây a aucun risque de ne plus avoir de croyance parce que vous avez dĂ©cidĂ© dâĂȘtre un avec la rĂ©alitĂ©. Si vous dĂ©cidez de vous attacher Ă un concept vous risquez de douter et alors, vous allez plonger dans la nuit de la non-croyance et câest un moment trĂšs difficile dans une vie.
Au dĂ©but de votre pratique du bouddhisme vous avez une notion du Bouddha, du Dharma et de la Sangha. Vous exprimez votre dĂ©sir de prendre refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Votre croyance dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha est basĂ©e sur votre comprĂ©hension des trois joyaux Ă ce moment. Mais alors que vous pratiquez, vos notions de Bouddha, de Dharma et de Sangha ont changĂ© et câest une bonne chose. Parce que si dix annĂ©es passent sans que votre croyance Ă©volue vous risquez de vous rĂ©veiller et de ne plus croire en ce que vous croyiez. Il semble que cette notion nâest plus valable et vous ĂȘtes plongĂ© dans lâobscuritĂ© de la non-croyance. Nous ne devons pas accepter une chose comme la vĂ©ritĂ© et la garder comme une notion en nous. Nous devons observer cette chose chaque jour nous devons toucher la rĂ©alitĂ© de notre vie spirituelle chaque jour et câest une façon trĂšs sĂ»re de nous occuper de notre croyance.
Au Village des Pruniers vous avez appris que le Bouddha est une personne Ă©veillĂ©e qui a beaucoup de comprĂ©hension et de compassion. Vous apprenez que vous aussi vous avez lâĂ©veil et que vous pouvez cultiver la comprĂ©hension et la compassion. On vous donne des instructions pour y arriver. On vous explique quâil y a une semence de Pleine Conscience en vous. Si vous voulez arroser cette semence chaque jour, si vous pratiquez le toucher de cette semence chaque jour, cette semence va se dĂ©velopper et vous procurer lâĂ©nergie de la compassion, de la comprĂ©hension, de lâamour, de la joie. En pratiquant vous remarquez que lâenseignement est vrai parce que votre comprĂ©hension, votre tolĂ©rance et votre compassion se dĂ©veloppent chaque jour. A cause de cela (lâexpĂ©rience directe de la pratique) vous croyez dans la pratique de la Pleine Conscience et personne ne peut retirer cette croyance de vous. On vous dit que lâessence de Bouddha câest I Ă©nergie de la Pleine Conscience en lui ou en elle. On vous dit que vous avez cette semence de Pleine Conscience et que vous avez la capacitĂ© dâun Bodhisattva. Et comme lâĂ©nergie de la Pleine Conscience câest lâessence dâun Bouddha ou dâun Bodhisattva, vous savez que le Bouddha et le Bodhisattva sont lĂ . Parce que chaque fois que vous ĂȘtes soutenu, que vous ĂȘtes motivĂ©, que vous ĂȘtes Ă©veillĂ© par lâĂ©nergie de la Pleine Conscience vous vous sentez bien, joyeux, vivant vous sentez la force en vous et donc lâĂ©nergie de la Pleine Conscience est lâobjet de votre croyance. Si vous croyez en la Pleine Conscience en vous-mĂȘme ; votre croyance dans le Bouddha sera identique Ă cela. Donc vous nâavez pas besoin dâaller en Inde pour rencontrer le Bouddha. Vous nâavez pas besoin de retourner 2600 ans en arriĂšre pour rencontrer le Bouddha. Vous savez que vous pouvez rencontrer le Bouddha dans lâici et le maintenant chaque fois et oĂč vous -le voulez. Lâautre jour, jâai dit que si jâentends que le Bouddha est maintenant dans lâĂ©tat de Bihar en Inde au pied de la montagne Gridakuta, que si lâon veut le rencontrer et pratiquer la mĂ©ditation marchĂ©e il faut acheter un ticket dâavion. Je ne suis pas tentĂ© de faire cela parce que je sais que je peux ĂȘtre avec le Bouddha. Je peux le faire tout de suite, je nâai pas besoin dâaller oĂč que ce soit pour le faire. Et nous tous pouvons le faire parce que le Bouddha nâest pas une image pour nous ce nâest pas plus une notion. Câest quelque chose de plus substantiel que lâon peut toucher Ă chaque moment et si vous avez ce genre de foi vous ĂȘtes rĂ©confortĂ©, personne ne peut vous enlever cela et au moment de mourir vous serez fort parce que vous savez quâil nây a ni mort ni naissance mais seulement des manifestations et des cessations de manifestation.
Au mois dâavril on ne peut voir aucun tournesol autour du Village des Pruniers et on pourrait dire quâils ne sont pas lĂ . Pourtant les graines de tournesol ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© plantĂ©es, les fermiers ont tout prĂ©parĂ© et ils sont conscients de cela. Lorsquâils regardent les collines et les champs vides ils peuvent dĂ©jĂ voir les champs couverts de fleurs. Il se peut que nous ayons lâimpression que les tournesols nâexistent pas Ă ce moment lĂ , mais cette notion ne correspond pas Ă la rĂ©alitĂ©. Les tournesols sont lĂ mais il manque quelques conditions comme la chaleur des mois de juillet et dâaoĂ»t. Câest la raison pour laquelle nous ne voyons pas de tournesol. Alors quâil marchait seul, Saint François dâAssise sâest approchĂ© dâun amandier, il a regardĂ© profondĂ©ment cet arbre et lui a demandĂ© : "Parle moi de Dieu". Et tout dâun coup lâamandier sâest couvert de fleurs. Lorsque jâai lu cette histoire, jâai eu lâimpression de lire une histoire zen, parce que les histoires zen ressemblent Ă cette histoire.
Si au mois dâAvril, en marchant, vous passez prĂšs dâun champs de tournesols, demandez aux collines de vous montrer le Royaume des Cieux, la Terre Pure. Il se peut que le champ se couvre tout dâun coup de tournesols. En fait les fermiers qui ont plantĂ© les semences savent quâelles sont lĂ et ils sont capables de voir les fleurs. Il suffit dâĂȘtre ici en juillet pour voir tout le champ couvert de tournesols.
Dans le bouddhisme nous parlons en termes de dimension historique et de dimension ultime. Dans la premiĂšre nous voyons plusieurs signes comme la naissance, la mort, lâĂȘtre, le non-ĂȘtre, lâaller, le venir.
Dans la dimension historique vous pouvez penser que le Bouddha vivait il y a 2600 ans et quâil vous faudra peut ĂȘtre attendre de trĂšs nombreuses annĂ©es avant quâun autre Bouddha apparaisse. Il se peut que vous planifiez votre vie dâaprĂšs cette opinion, mais si vous choisissez la dimension ultime vous verrez que vous pouvez tenir la main du Bouddha pour partir en mĂ©ditation marchĂ©e immĂ©diatement.
Les deux dimensions sont une. Vous ne pouvez pas imaginer la dimension ultime distincte de la dimension historique. Câest comme les vagues et lâeau. Les vagues vues Ă la surface de lâocĂ©an reprĂ©sentent la dimension historique mais la substance qui crĂ©e la vague, câest lâeau et bien que les vagues semblent avoir un dĂ©but, une fin, un haut et un bas, lâeau dans les vagues ne peut pas ĂȘtre dĂ©crite par ces caractĂ©ristiques.
La dimension ultime ne dĂ©pend pas des signes, des notions dâexistence, de non-existence, de lâaller et du venir. Nous savons que lâeau et les vagues sont unes et nous ne pouvons pas sĂ©parer lâune de lâautre. La dimension historique est une avec la dimension ultime. Si vous savez toucher les vagues profondĂ©ment, vous pouvez toucher lâeau. Si vous savez toucher profondĂ©ment le monde de la naissance et de la mort, de lâaller et du venir, vous pouvez toucher le monde de la non-naissance et de la non- mort, du non-aller et venir. Câest cela, notre pratique de chaque jour. II faut vivre votre vie de telle façon que vous puissiez toucher la dimension ultime plusieurs fois par jour, sinon tout le temps.
Supposez que vous regardiez ce pot de fleurs. Si vous ĂȘtes en Pleine Conscience, et il y a des façons dâĂȘtre en Pleine conscience comme par exemple respirer, sâincliner profondĂ©ment devant la fleur. Tout dâun coup la fleur se rĂ©vĂšle Ă vous : la fleur est une manifestation et nous mĂȘme sommes une manifestation. Les fleurs reprĂ©sentent tout le cosmos, lâinfini, dans le temps et dans lâespace et nous aussi.
Si vous continuez Ă ĂȘtre lĂ , Ă observer alors vous pouvez toucher la dimension ultime de la fleur et vous touchez votre propre dimension ultime. A ce moment vous pouvez vous Ă©tablir dans la dimension ultime, libĂ©rĂ© des notions de naissance et de mort, dâaller et de venir, dâĂȘtre et de non ĂȘtre.
Vous ne voyez pas seulement la prĂ©sence de la fleur comme une chose merveilleuse mais aussi la manifestation de vous-mĂȘme comme une chose merveilleuse. Selon votre regard profond vous toucherez plus ou moins profondĂ©ment la dimension ultime de la fleur et de vous-mĂȘme. Le Bouddha nous offre le genre de pratique qui peut nous aider Ă toucher la dimension ultime.
Lâautre jour je parlais de la pratique de toucher la terre. Chaque soir avant ou aprĂšs la mĂ©ditation assise nous faisons trois, cinq ou six prosternations. En joignant les paumes de mains, en vous inclinant vous vous voyez en contact avec tous les ancĂȘtres. AncĂȘtres spirituels et ancĂȘtres de la famille, vous vous voyez comme la continuation de ces ancĂȘtres, vous voyez quâils sont vous-mĂȘme et vous voyez aussi vos enfants et petits enfants et disciples prĂ©sents dans ce moment. Dans lâacte de toucher la terre, vous vous rendez Ă la terre pour ĂȘtre avec le courant dâĂȘtre que vous ĂȘtes vraiment. A ce moment vous ĂȘtes vos ancĂȘtres mais aussi les gĂ©nĂ©rations futures. Simplement en touchant la terre de cette façon vous touchez la dimension ultime. Restant ainsi pendant quelques minutes :inspirez, expirez et vous vous voyez comme Ă©tant chaque personne de la lignĂ©e. A ce moment lĂ vous nâĂȘtes plus pris par la notion de moi tel que :" Je suis ce corps ". Le Bouddha a dit :
" Ces yeux ne sont pas moi, je suis plus que ces yeux ". Touchant la terre pour la seconde fois il se peut que vous soyez tout dâun coup un avec la terre, avec les montagnes, avec les pins. Touchant la terre, vous ĂȘtes tout : la fleur, la table. Vous ĂȘtes libres des notions de moi. A ce moment vous touchez la dimension ultime.
Il se peut que vous fassiez cela par respect pour le Bouddha et les ancĂȘtres. Vous restez vous-mĂȘme et les ancĂȘtres restent eux-mĂȘmes. Une personne distincte sâincline pour montrer sa gratitude envers les ancĂȘtres. Cette pratique est utile mais en continuant vous allez approfondir et en vous inclinant vous toucherez la dimension ultime.
Si nous pouvons toucher la dimension ultime une transformation se passe en nous. La peur, la douleur commencent Ă se transformer. La joie, la libertĂ©, la paix vont se dĂ©velopper en nous, nous nous sentons bien en nous-mĂȘmes. Nous sentons que lâamour et la comprĂ©hension nous habitent et les gens, les arbres, lâeau et lâair autour de nous vont sentir la mĂȘme chose.
Calme
Sur le chemin menant Ă la lune
je me retourne.
Je t'aperçois
et ne cesse de m'Ă©merveiller
sur ta somptueuse beauté,
bulle d'eau
qui flotte sur l'océan de l'espace immense.
Tu es la Terre,
tu es la planĂšte verte
Ă©clatante et superbe,
pourtant si fragile.
Je me découvre en toi,
moi qui marche dans la pleine conscience
sur le chemin de terre
bordé d'herbe fraßche.
Mes pieds font une promesse Ă la Terre.
Mes yeux embrassent l'heure matinale.
Je m'installe dans la paix de l'instant présent.
Les feuilles d'automne tombent
et recouvrent le chemin
déroulant le tapis de la marche méditative.
HĂ©sitant, l'Ă©cureuil se cache
derriĂšre le tronc de l'arbre,
il me considĂšre
de ses yeux teintés d'un peu de surprise,
puis se lance Ă la cime de l'arbre
pour disparaĂźtre derriĂšre une touffe de feuilles.
Je vois le ruisseau limpide
se glisser entre les fentes des rochers blancs.
L'eau rit aux Ă©clats,
les pins sifflent,
ensemble ils célÚbrent une matinée de paix.
Je vois aussi les lieux de souffrance
oĂč les conflits entravent l'homme.
Nous nous faisons souffrir les uns les autres
et déversons sur la Terre
la vague déferlante de la discrimination
de la haine,
de l'avidité,
causes implacables
de tant de catastrophes.
Les poussins de la mĂȘme poule
se teintent de couleurs différentes et se battent.
Les cris déchirants clament l'horreur de la guerre.
La Terre, c'est nous.
Chers frĂšres, chĂšres sĆurs,
elle est si belle que j'ai envie de prendre dans les bras toute la planĂšte,
de la serrer tendrement contre ma poitrine.
Respirons ensemble au mĂȘme rythme
et ramenons le calme dans notre esprit.
Nous, les ĂȘtres humains, coopĂ©rons.
Acceptons-nous.
Aimons-nous
car nous aimons la Terre,
et nous savons
que notre amour est le tout,
notre amour n'est pas un fragment.
Tous ensemble, nous sommes responsables de la planĂšte.
Mes chers frĂšres et sĆurs,
ce matin, transmettons-nous la Vue.
Faisons en sorte
que prenne forme le grand amour.
-Thich Nhat Hanh
Un caillou dans votre poche - Méditation guidée
La trÚs belle méditation guidée des cailloux, offerte par un des nos frÚres. Elle est en anglais, vous pouvez lire la traduction française ci-dessous.
MĂ©ditation des cailloux
Jâinspire
Le premier caillou me rappelle dâĂȘtre frais comme une fleur. Je sais que je suis un ĂȘtre humain et les ĂȘtres humains sont aussi des fleurs, les fleurs de cette planĂšte. Nous oublions parfois que nous sommes des fleurs et nous nous dessĂ©chons. A cause de cela je veux me souvenir que je suis une fleur. Ce caillou va reprĂ©senter la fraicheur de la fleur.
Jâinspire je me sens frais
Jâexpire je suis une fleur
Le deuxiĂšme caillou me rappelle la soliditĂ© et la stabilitĂ© que je peux offrir Ă mes frĂšres et mes sĆurs et ma communautĂ©. Nous savons que chacun dâentre nous, avons la capacitĂ© dâĂȘtre solide et ferme comme une montagne, solide dans notre esprit, nos Ă©motions, nos sentiments et dans notre amour. Je veux me souvenir d'ĂȘtre une fondation solide pour mes frĂšres, mes sĆurs, mes bien-aimĂ©s et ma communautĂ©.
Jâinspire je me sens solide
Jâexpire je suis une montagne
Le troisiĂšme caillou reprĂ©sente lâeau, la tranquillitĂ©. Je sais que mon esprit peut reflĂ©ter toutes mes pensĂ©es, mes actions, mes anxiĂ©tĂ©s et lorsque mon esprit est calme, tranquille il va reflĂ©ter tout ce qui se passe rĂ©ellement, ce qui se passe Ă lâintĂ©rieur de moi et autour de moi. Comme un lac complĂštement immobile qui reflĂšte exactement ce qui est autour de lui comme les montagnes, les arbres, les nuages et mĂȘme le ciel bleu clair. Je souhaite pratiquer comme un lac.
Jâinspire eau, tranquillitĂ©
Jâexpire reflĂ©ter
Le quatriĂšme caillou reprĂ©sente lâespace. Lâespace qui est en moi et autour de moi. Lâespace que je peux mâoffrir Ă moi-mĂȘme, Ă mes amis et Ă ma famille, tous ceux qui sont proche de moi. Je sais et je suis conscient que tout le monde a besoin dâespace en eux et autour dâeux ; donc je veux offrir Ă moi-mĂȘme de lâespace et aussi Ă mes amis, ma famille, mes bien-aimĂ©s cet espace dont ils ont besoin afin quâils puissent ĂȘtre libres.
Jâinspire je ressens lâespace en moi et autour de moi
Jâexpire je suis libre
PoĂšmes de Thay
O toi qui tourne en rond,
S'il te plait arrĂȘte-toi.
Pourquoi le fais-tu?
"Je ne peux ĂȘtre sans aller, c'est pourquoi je tourne en rond."
O toi qui tourne en rond
s'il te plait arrĂȘte-toi.
"Mais si je cesse d'aller, je cesserai d'ĂȘtre."
O mon ami qui tourne en rond,
Tu n'es pas un avec cette histoire folle de tourner en rond.
Tu peux prendre plaisir Ă aller,
Mais pas Ă tourner en rond.
"OĂč puis-je aller?"
Va lĂ oĂč tu peux trouver ton aimĂ©,
LĂ oĂč tu peux te trouver toi-mĂȘme.
Vous cherchez quelque chose?
Thay :
Ce matin jâai marchĂ© comme dâhabitude et pendant la marche je me dis
:
« Quâest ce que tu cherches ? ».
Pendant lâinspiration : « Quâestâce que tu cherches ? Quâest-ce que tu cherches ? ».
Puis Thay regarde lâaudience et demande :
« Vous cherchez quelque chose ? » et ce que vous
cherchez est déjà là .
Câest cela, câest cela, câest cela et quand vous faĂźtes une inspiration
vous réalisez que ce que vous cherchez est déjà là en vous et autour de vous,
les merveilles de la vie. Est-ce que vous cherchez le Royaume de Dieu ?
Il est lĂ , il est disponible mais vous nâĂȘtes pas en contact avec le Royaume.
Il faut se mettre en contact, la nature du Bouddha, le Nirvana,
les merveilles de la vie, la Terre MĂšre, le PĂšre Soleil, tout est lĂ pour vous
et vous nâĂȘtes pas lĂ pour eux.
Donc lâĂ©veil, la concentration, le bonheur est possible Ă chaque pas, Ă chaque souffle.
Au Village des Pruniers vous ĂȘtes encouragĂ© Ă ĂȘtre heureux Ă chaque pas, avec chaque souffle.
Câest une chose possible, le bonheur câest possible, la paix câest possible,
la fraternitĂ© câest possible.
Il faut commencer Ă vivre.
Â
A la Rechercher Lâun de lâAutre :
Honoré du Monde, je vous ai cherché depuis mon enfance.
DĂšs mon premier souffle, jâai entendu votre appel.
Je suis parti Ă votre recherche, Bhagavan,
Jâai parcouru tant de chemins pĂ©rilleux, rencontrĂ© tant de dangers.
Dans mes pĂ©rĂ©grinations, jâai endurĂ© dĂ©sespoir, peur, espoir et souvenirs.
Vers les contrées les plus lointaines, sauvages et immenses, je suis parti,
Sur les Ă©tendues dâĂ©tranges ocĂ©ans, jâai naviguĂ©,
Sur les plus hauts sommets perdus dans les nuages, jâai grimpĂ©.
jâai plusieurs fois gĂźt mort dans une solitude absolue sur le sable dâanciens dĂ©serts,
Jâai tentĂ© de retenir dans mon cĆur les nombreuses larmes de pierre,
Jâai rĂȘvĂ© de boire les gouttes de rosĂ©e scintillant de lâĂ©clat des galaxies lointaines.
Jâai  laissĂ© des traces de pas sur les montagnes cĂ©lestes des dieux.
Jâai hurlĂ© du fond de lâenfer Avichi, extĂ©nuĂ©, Ă©perdu de dĂ©sespoir.
Câest parce que jâavais faim, jâavais soif.
Au cours de mes dizaines de millions de vies,
Jâai dĂ©sirĂ© dĂ©couvrir lâimage de Celui qui est parfait,
Bien que je nâen connaisse pas exactement le lieu,
O BĂ©ni, je sens du fond de mon cĆur la mystĂ©rieuse certitude de votre prĂ©sence.
Jâai le sentiment que depuis des milliers de vies, vous et moi, nâavons Ă©tĂ© quâun,
Quâentre nous il nây a que lâĂ©clair dâune pensĂ©e.
Hier encore, je marchais seul, jâai vu le chemin ancien couvert de feuilles dâautomne.
La lune brillante, accrochĂ©e au-dessus du portail, est apparue soudain comme lâimage dâun vieil ami.
Alors les étoiles tout excitées ont annoncé que vous étiez là .
La nuit durant, la pluie de la compassion nâa cessĂ© de tomber,
La lumiĂšre des Ă©clairs traversait ma fenĂȘtre, un Ă©norme orage sâĂ©tait levĂ©,
Comme si la Terre et le Ciel sâemportaient dans leur furie.
Enfin, en moi, la pluie sâest arrĂȘtĂ©e et les nuages ont disparu.
Par la fenĂȘtre, je vis la lune tardive, paisible et brillante.
Le Ciel et la Terre étaient totalement apaisés.
En me contemplant dans le miroir de la lune, je me suis vu et soudain je vous ai vu, Bhagavan.
Vous Ă©tiez souriant.
Comme câest Ă©trange !
La lune brillante de la liberté venait juste de me revenir.
En un seul instant, tout ce Ă quoi jâai cru, je lâavais perdu.
DĂšs lors, et Ă chaque instant qui suivit, je vis que rien ne mâavait quittĂ©,
Et quâil nây avait rien Ă retrouver.
Chaque fleur, chaque caillou et chaque feuille me regarde et me reconnaĂźt.
OĂč que se tourne mon regard, je vous vois sourire,
Le sourire de ce qui ne naĂźt ni ne meurt.
VoilĂ ce que jâai dĂ©couvert en regardant dans le miroir de la lune.
Je vous ai vu, Bhagavan,
Vous ĂȘtes assis lĂ , aussi solide que le Mont MĂ©rou, aussi calme que mon propre souffle.
Vous ĂȘtes assis comme sâil nây avait jamais eu la violence des tempĂȘtes en ce monde.
Vous ĂȘtes assis en paix et libre.
Je vous ai trouvé Bhagavan, et je me suis trouvé.
Je suis assis, le ciel bleu profond est silencieux,
Les montagnes couvertes de neige sont peintes sur lâhorizon, et le soleil chante sa joie.
Vous ĂȘtes mon premier amour, Bhagavan,
Vous ĂȘtes lâamour toujours prĂ©sent, immaculĂ© et vierge,
Ainsi  jamais je nâaurai besoin dâun amour dont on dirait quâil est « le dernier ».
Vous ĂȘtes la source, le courant dâune vie spirituelle,
Qui sâĂ©coule depuis des millions de vies dans le samsara, mais qui reste pure comme au dĂ©but.
Vous ĂȘtes ma paix.
Vous ĂȘtes ma soliditĂ©.
Vous ĂȘtes ma libertĂ© intĂ©rieure,
Vous ĂȘtes le Bouddha,
Vous ĂȘtes le Tathagata.
Sans dévier,
Je souhaite  nourrir en moi la solidité et la liberté,
Pour les offrir Ă tous les ĂȘtres.
Aujourdâhui et toujours.
-         PoÚme Inédit de Thich Nhat Hanh